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Délégation de pouvoirs, mode d’emploi

Gestion Juridique
20/09/2024
En tant que représentant légal d’une société, son dirigeant est la seule personne qui puisse conclure des actes au nom et pour le compte de celle-ci. Toutefois, rien n’interdit au dirigeant de déléguer ses pouvoirs, cette pratique étant d’ailleurs courante dans les grandes sociétés et dans les groupes. Mais attention, pour être efficace, une délégation de pouvoirs doit satisfaire à certaines conditions.

Pourquoi déléguer ?

La délégation de pouvoirs permet au dirigeant de se décharger d’une partie de ses fonctions et aussi de se dégager de sa responsabilité pénale.

L’intérêt majeur d’une délégation de pouvoirs pour le dirigeant, c’est évidemment de se décharger d’une partie de ses fonctions et d’alléger ainsi son agenda. Autre avantage, elle lui permet de transmettre des responsabilités à un collaborateur qui peut être mieux à même que lui d’intervenir dans le domaine considéré (un chef de chantier, un directeur du personnel, etc.). Sans compter qu’elle a aussi pour effet de le dégager de sa responsabilité pénale en cas d’infraction commise dans le cadre des pouvoirs qui ont été délégués, seul le délégataire étant alors exposé aux poursuites judiciaires. À condition, bien entendu, que l’infraction commise soit rattachée au domaine de compétence délégué et que le dirigeant n’ait pas personnellement pris part à l’infraction ou n’y ait pas lui-même consenti.

Ne pas confondre délégation de pouvoirs et délégation de signature

La délégation de pouvoirs se distingue de la simple délégation de signature. Dans le cas d’une délégation de signature, le dirigeant charge simplement une personne de signer des actes en son nom et en ses lieu et place. Le délégataire n’est alors qu’un mandataire du dirigeant : il ne représente pas la société. En revanche, dans le cas d’une délégation de pouvoirs, le dirigeant délègue une partie de ses pouvoirs au nom et pour le compte de la société. Le délégataire recevant ses pouvoirs de la société, il a donc ici le pouvoir de la représenter (dans la limite de sa délégation).

À noter : seule une véritable délégation de pouvoirs peut entraîner une décharge de responsabilité pénale du dirigeant.

Parce que les délégations de pouvoirs sont consenties au nom de la société, la cessation du mandat du dirigeant délégant, quelle qu’en soit la cause (révocation, démission, décès), ne met pas automatiquement fin aux délégations que celui-ci aurait pu consentir.

Précision : la délégation doit être opportune, c’est-à-dire justifiée au regard de la taille de l’entreprise, de ses activités et de son organisation interne. Une délégation mise en œuvre de manière artificielle risquerait d’être privée d’effet par les tribunaux.

Bien choisir le délégataire

Une délégation de pouvoirs peut être consentie aussi bien à un salarié ou à un associé qu’à une personne extérieure à la société.

Dans l’absolu, la qualité de délégataire n’est pas réservée au titulaire d’un statut particulier. Ainsi, le délégataire peut être aussi bien un salarié qu’un associé ou même une personne extérieure à la société. Dans les groupes de sociétés, par exemple, il est possible pour le dirigeant d’une société de confier une délégation de pouvoirs à un salarié d’une autre société du groupe. Ainsi, le dirigeant de la société tête de groupe peut déléguer ses pouvoirs en matière d’hygiène et de sécurité du travail pour l’ensemble des sociétés du groupe à un salarié d’une filiale.

Etant précisé qu’une délégation de pouvoirs donnée à un tiers ne permet pas au dirigeant de s’exonérer de sa responsabilité. Seule une délégation de pouvoirs consentie à un salarié emporte délégation de responsabilité, sous réserve que ce salarié soit doté de l’autorité, de la compétence et des moyens nécessaires pour accomplir la mission qui lui est confiée. L’inadéquation du poste, de la compétence et de la rémunération du salarié avec la délégation de pouvoirs qui lui est consentie rendrait celle-ci inopérante.

Important : dans tous les cas, le dirigeant est responsable des délégations de pouvoirs qu’il consent. Un choix hasardeux de délégataire, une mauvaise appréciation des missions confiées, un défaut de surveillance du délégataire seront autant de sources de responsabilité pour le dirigeant, pouvant, le cas échéant, justifier sa révocation.

Une délégation écrite, claire et précise

Il n’existe aucun formalisme pour établir une délégation de pouvoirs mais il est vivement conseillé d’établir un écrit.

En théorie, une délégation de pouvoirs peut être orale, aucune forme particulière n’étant imposée. Toutefois, en pratique, un écrit est fortement recommandé car il permet d’apporter la preuve de l’existence de la délégation et de son contenu. Cet écrit peut prendre la forme d’un acte spécifique ou d’une stipulation insérée dans le contrat de travail du salarié délégataire.

Et attention, pour produire pleinement ses effets, une délégation de pouvoirs doit être certaine et dépourvue d’ambiguïté. Une formulation trop imprécise ou trop générale aurait pour conséquence de faire perdre toute efficacité à l’opération. Il convient donc d’accorder un soin tout particulier à la rédaction de l’acte de délégation. À ce titre, il est vivement conseillé de mentionner le domaine et la portée de la délégation (objet, étendue des pouvoirs conférés au délégataire, réglementation qu’il lui revient de faire appliquer…) ainsi que sa date de prise d’effet et sa durée, une délégation de pouvoirs pouvant être consentie pour une durée déterminée ou indéterminée. Dans le premier cas, elle prendra fin à l’arrivée du terme prévu. Dans le second cas, le dirigeant peut la révoquer à tout moment.

Attention : lorsque la délégation consentie à un salarié apparaît comme un élément substantiel de son contrat de travail, cette révocation peut être considérée comme une modification d’un élément du contrat de travail de nature à entraîner sa rupture.

Si les statuts fixent des conditions de délégation, le dirigeant souhaitant déléguer une partie de ses pouvoirs devra s’y conformer. À défaut, il engage sa responsabilité et risque la révocation.

Veiller à bien définir les domaines de délégation

La délégation de pouvoirs ne peut pas être totale, elle doit se limiter à certains actes.

Par une délégation de pouvoirs, il ne peut être question de se décharger de tous ses pouvoirs et de toutes ses responsabilités. La délégation doit être limitée à certains actes et à certaines catégories de missions seulement. En outre, le dirigeant ne peut déléguer que les pouvoirs qu’il détient lui-même, et pas ceux appartenant à d’autres organes de la société.

Par ailleurs, une délégation de pouvoirs efficace doit pouvoir exonérer le dirigeant de la responsabilité attachée au domaine de délégation. On rappellera ici que les domaines dans lesquels la responsabilité pénale du dirigeant peut être engagée, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, sont nombreux. On évoquera en particulier, sans que cette liste soit exhaustive :– les infractions à la réglementation du travail (hygiène, sécurité, durée du travail, travail dissimulé, embauche illégale de travailleurs étrangers…) ;– les infractions à la législation fiscale ;– les infractions au droit de la concurrence (ententes, abus de position dominante…) et de la consommation (pratiques commerciales déloyales ou trompeuses…) ;– les infractions spécifiques au droit des sociétés et au droit boursier ;– la contrefaçon.

Précision : lorsque les conditions requises sont réunies, la délégation a donc pour effet de dégager le représentant légal de sa responsabilité pénale. Seul le délégataire s’expose alors aux poursuites à condition bien sûr :– que l’infraction commise puisse être rattachée au domaine de compétence délégué ;– et, cela va sans dire, que le dirigeant n’ait pas personnellement pris part à l’infraction ou y ait pas lui-même consenti. Dans cette hypothèse, la délégation, aussi bien rédigée soit-elle, ne pourra pas permettre au dirigeant d’échapper aux poursuites.

Envisager des subdélégations

La personne qui a reçu une délégation de pouvoirs peut, à son tour, déléguer une partie des missions qui lui ont été confiées.

Le délégataire peut, à son tour, déléguer une partie des pouvoirs qui lui ont été confiés. On parle alors de subdélégation. De même, le subdélégataire peut, par suite, déléguer une partie de ses attributions. Et on peut arriver ainsi à des délégations en chaîne, pouvant, le cas échéant, comporter plusieurs ramifications.

Exemple : un président de SAS a délégué au directeur juridique de la société la gestion des affaires juridiques de l’entreprise. Ce directeur juridique pourra, par la suite, déléguer à un juriste de son service les missions relatives à la gestion des affaires contentieuses et à un autre la rédaction et la révision des contrats.

Les subdélégations doivent être consenties dans les mêmes conditions que celles exigées pour la délégation. Sachant qu’en matière d’infraction à la sécurité du travail, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que la subdélégation était valable même sans l’autorisation du dirigeant et il est permis de penser que cette solution s’applique aux autres matières. Toutefois, cette solution ne s’impose qu’en l’absence de stipulation contraire de l’acte de délégation, qui peut tout à fait interdire la subdélégation ou au moins subordonner celle-ci à l’autorisation préalable du dirigeant. De telles clauses sont d’ailleurs recommandées, dans la mesure où elles assurent au dirigeant une certaine maîtrise de la chaîne de délégations et de l’organigramme des pouvoirs et responsabilités de l’entreprise.

À noter : si la subdélégation est parfaitement envisageable, la codélégation, c’est-à-dire le fait de déléguer une même mission à deux ou plusieurs personnes en même temps, est à proscrire car elle ne permet pas au dirigeant de s’exonérer de sa responsabilité.

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